vendredi 15 août 2014

Les leçons du mondial (2/2)

Pelé - Neymar : un monde les sépare
4ème leçon : le Brésil a besoin de se réinventer. Le jogo bonito est sans doute mort en 1970 malgré des soubresauts dans les années 80 : la révolution tactique du "football total", la progression physique et défensive des joueurs, ont rendu datée la conception un peu poétique et offensive traditionnelle du football brésilien. Depuis 2002, le Brésil n'a plus atteint une finale de coupe du monde échouant tout d'abord avec une collection de stars (2006) puis un dispositif défensif (2010) avant de devenir carrément sale (2014). En 1966, la sélection brésilienne était l'équipe à abattre physiquement. En 2014, la Séléçao détient le record de cartons jaunes (14) et celui du match avec le plus de fautes commises (30 ! soit 2 fois plus que la moyenne) face aux artistes colombiens. A partir des 1/8ème de finale (et déjà contre la Croatie), les locaux sont devenus l'équipe systématiquement le plus ennuyeuse à voir jouer et n'a souvent dû sa victoire qu'à des petits miracles. Le Brésil est certes devenu efficace sur coup de pied arrêté mais offre un spectacle triste à pleurer avec le seul Neymar, comme animateur d'un jeu beaucoup trop prévisible. En fait, à vouloir trop copier le football européen, également dans ses défauts (rigueur tactique, "impact" défensif, exploitation des coups de pied arrêtés), le Brésil n'a pas compris que celui-ci avait évolué (tiki-taka, rôle nouveau des latéraux, joueurs d'impacts sur les ailes) tandis que les auriverde s'étaient perdus en route.
Comment faire ? Il n'y a probablement pas beaucoup de solutions à court terme : le Brésil demeure un réservoir inépuisable d'excellents joueurs mais a priori la formation brésilienne n'a pas suivi : le pays compte seulement 2,1 millions de licenciés quand l'Allemagne atteint les 8 millions. L'essor du championnat national pourrait représenter une alternative mais un coup d’œil à celui-ci montre que les meilleurs joueurs continuent à s'expatrier et que le réservoir d'excellents footballeurs locaux (Ganso ? Goulard ? Ribeiro ?) ne semble pas infini. Le Brésil doit donc trouver une identité de jeu, qui lui soit propre, qui infuse ses joueurs depuis tout petit même si ceux-ci se dispersent sur la planète. La formation semble la clé : dur à admettre pour un pays qui a longtemps cru que le talent se formait sur les plages loin de tout moule et que le génie propre de son peuple pouvait lui garantir des trophées.  Et voila le Brésil obligé de prendre des leçons auprès de la Belgique, par exemple. Il ferait pourtant bien de s'en inspirer : jusqu'à présent, les auriverdes pouvaient compter sur la relative médiocrité de l'opposition pour ramener de temps à autre une coupe du monde à la maison (2002, 1994). Ce temps est aujourd'hui révolu.

5ème leçon : la recherche d'"identité". Et on arrive à la fameuse question qui agite le monde du foot comme un conclave de l'UMP : qu'est-ce que l'identité d'une équipe et comment la construit-on ? A l'exception du Barça, du Real et du Bayern, il n'y a plus aujourd'hui de club creuset, capable de former le ciment d'une sélection nationale comme dans les années 1970 et 1980 (on pense évidemment à l'Ajax et au Feyenoord en 1974). Le foot est trop internationalisé et les grands clubs sont trop à l’affût des jeunes pépites pour les laisser maturer dans leur jus. Dès lors, seule une formation nationale cohérente peut donner la clé : elle offre en effet dès les premières années des gamins dans leur club un cadre de référence qui pourra leur servir pendant toute leur carrière et dans lequel ils pourront se fondre si un jour, ils rejoignent leur équipe nationale. A ce petit jeu, la Belgique est impressionnante mais les succès de l'Espagne et de l'Allemagne sont aussi les témoins d'une politique de formation menée de façon homogène du haut en bas de l'échelle

Quelle est l'identité des équipes qui forment aujourd'hui le gotha international ? Les voici à notre avis avec un indice de succès à venir :

L'Argentine :
  • Identité de jeu : des porteurs d'eau autour d'un génie. Comme en 1982 et 1986, l'Argentine a joué pour et autour de Messi. Malheureusement pour elle, si la star fut à la hauteur de sa réputation dans les premiers matches, sa performance fut en-dessous à partir des 1/4 de finale. 
  • Coefficient de durabilité : 50% : qui après Messi ?
L'Italie :
  • Identité de jeu : sacrifice et discipline tactique au service d'un buteur qui sort de sa boite au moment d'une grande compétition (Paolo Rossi, Schillacci), avant de disparaître.
  • Coefficient de durabilité : 20% (1 coupe du monde sur 5, statistiquement). Mais alors que le savoir-faire tactique des autres nations progresse, les Azzurri vont devoir générer de vrais talents.
La France :
  • Identité de jeu : hésite entre une identité à l'Argentine (mais qui en Zizou ?), à l'italienne ou à la Séville 82
  • Coefficient de durabilité : 10% (attend le prochain grand homme).
L'Espagne :
  • Identité de jeu : faire tourner en bourrique tous ses adversaires avec 93% de possession. Récupérer haut. Marquer peu mais tard.
  • Coefficient de durabilité : 50%. S'est aperçue que même avec 87% de possession, ses adversaires arrivaient à marquer 5 buts. Redonner de la valeur à la prise de risque et à la percussion au détriment du pourcentage de possession. La révolution (tactique) ou la mort.
L'Allemagne :
  • Identité de jeu : Briseur de rêve patenté. Depuis 2006 : perdre avec éclat puis gagner en mariant tradition allemande de sérieux / combativité et jeu brillant
  • Coefficient de durabilité : 90%. Qui pour déloger l'Allemagne, ses 8 millions de licenciés, son foisonnement de joueurs de percussion ? Favori pour 2016 et 2018...
6ème leçon : le défenseur central, nouvelle star du ballon rond. La fin du tiki-taka, la rapidité des transmissions, qui sautent souvent le milieu de terrain et l’avènement de la percussion, un nouveau poste devient totalement hype : le défenseur central. Alors que traditionnellement discipliné et physique, de plus en plus le "central" doit combiner des qualités incompatibles, qui le rendent rare et donc cher :

  • rapide, car face au nouveau prototype d'attaquant de percussion, le défenseur central doit être à la hauteur pour ne pas se laisser semer comme un vulgaire Sergio Ramos face aux flèches hollandaises.
  • technique, avec une vision du jeu claire. Le central est souvent la première rampe de lancement de son équipe. La rapidité du jeu (et parfois le pressing adverse sur les milieux reculés) rend critique la première relance, souvent opérée par le central vers un latéral ou un attaquant. En outre, les montées des latéraux laissent le central face à un dilemme : doit-il couvrir en se déportant vers l'ailier ou rester en place face au 9. Son sens tactique devient clé et la justesse de son placement décide du sort d'un match.
  • offensif : le défenseur central reste clé sur les coups de pied arrêtés. Mais de plus en plus, il devient le dernier joueur sur lequel le pressing adverse ne s'exerce pas dans les phases de possession : il jouit donc d'une certaine latitude pour s'enfoncer dans la moitié de terrain adverse et créer ainsi des décalages. 
Cette prise de conscience a créer une bulle sur le marché des transferts où derrière James Rodriguez, les contrats les plus coûteux ont concerné David Luiz et Eliaquim Mangala. Sans compter les joueurs bons sans plus (Jérémy Mathieu, Vermaelen, Dejan Lovren) qui tapent quand même les 20 millions.

Bulle ou nouvelle tendance de fond ? A voir dans les prochains mois des championnats européens. 

Footballistico

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour, j’ai suivi les news en live du Mondial 2014 sur http://fr.clicnscores.com/ et je dois dire que j’ai été vraiment surpris par la performance de certaines équipes, notamment la France. Je trouve qu’elle s’est bien battue, et ce, malgré le fait qu’elle n’a pas pu avoir une place en finale.

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