jeudi 25 novembre 2010

Marronnier d'automne : le niveau de la Ligue 1

En langage journalistique, un marronnier, c'est un sujet récurrent qui permet de meubler l'espace éditorial (temps, pagination) pendant les périodes pauvres en actualité. Le fameux "niveau" de la L1. Pour les médias, c'est du pain béni : des débats sans fin, pas besoin de vraiment les étayer et si par hasard un fait semble lui donner du corps (par exemple, Brest leader de L1), alors c'est la certitude d'obtenir l'assentiment du téléspectateur. Donc, si l'on comprend bien, le niveau est médiocre, d'ailleurs tous les clubs se valent et puis le spectacle est vraiment nul. En fait ce constat recouvre 2 réalités bien différentes que nous nous efforçons d'élucider ci-après :

1er constat : le niveau est nul et conséquemment onze fait chier (ouarf).

2d constat : le niveau est trop homogène est onze fait chier.

Comment se prononcer sur ces 2 constats : par l'examen des statistiques, notamment sur les compétitions européennes et la comparaison avec les autres grands championnats (Allemagne, Angleterre, Espagne, Italie).

1er constat : le niveau est nul. Il existe 2 indicateurs permettant d'objectiver simplement cet énoncé :

1 - l'indice UEFA de la France. Objectif mais limité car il ne prend en compte que les performances des 5/6 meilleures équipes de chaque championnat. Il a l'avantage d'offrir un historique profond (depuis 1960). La France est actuellement 5ème (derrière les 4 autres grands pays occidentaux) mais cette place correspond plutôt à un grand cru historique puisque pendant toute les décennies 60, 70 et 80, la France oscillait entre 10ème et 20ème place. Notre pays a connu une période de grâce, au début des années 90 (Marseille 93, PSG 95) mais depuis cet accident, la place du foot hexagonal est étonnamment stable. Il peut y avoir des accidents (comme en 2006-2007) mais globalement, quand on lisse les performances des clubs français sur 5 ans (comme le fait l'UEFA), peu de risque de se voir dépassé par l'Ukraine, le Portugal ou la Russie...et peu de chance de rattraper l'Allemagne ou l'Italie. Stabilité donc et pas d'effondrement.

2 - Le nombre de buts marqués. C'est un fait, notre championnat est plutôt pauvre en buts (2,25 sur la décennie 2000 - 2010) même par rapport à l'Italie, pays des pâtes et du catenaccio. Il est cependant difficile d'y voir seulement l'influence de la "qualité" d'un championnat par rapport à la culture tactique d'un pays. A titre de contre-exemple, l'Allemagne domine ce classement de la tête et des épaules (2,85) mais elle est seulement 4ème au fameux indice UEFA. Il ne faut tout de même pas se voiler la face, l'absence des meilleurs attaquants dans notre championnat possède une influence sur ce chiffre.

Enfin,d'une façon plus qualitative, ceux qui regardent de temps à autre le championnat italien ou Espagnol comprendront que le spectacle n'est pas forcément champagne de l'autre côté des Alpes et des Pyrénées. (triste Lazio - Roma ou Inter - Milan).

2d constat : le niveau est trop homogène. Révoltés par la présence de Brest en tête du championnat, les commentateurs s'en sont donnés à cœur joie : tous nuls, que font-ils de tout l'argent que leur donne la télé, etc. En fait, plusieurs remarques s'imposent :
- d'une part, la situation est ancienne : la France a traditionnellement un championnat où le leader marque peu de points. Lyon, même pendant sa période d'euphorie, a ramené 2 titres à moins de 2 points par match. A titre de comparaison, le Barça et le Real ont marqué 2,6 points par match la saison dernière.
- il est exact que le niveau d'hétérogénéité sur les 10 dernières années épouse assez bien l'indice UEFA (1er : Premier League, puis au coude à coude Liga et Calcio, Bundesliga et Ligue 1)...
...et la répartition des droits TV. Plus la répartition est inégale, plus, logiquement, les "grands" clubs se baladent. A un système encore relativement équitable en Allemagne et en France (ratio de 1 à 4 entre premier et dernier de première division), l'Espagne et l'Italie préfèrent une franche injustice sportive. Les 2 grands de la Liga négocient directement leurs droits. Résultats, le Real et le Barça ont touché 140 millions pendant la saison 2009-2010, Xerez, 12 millions...
- mais on arrive à un paradoxe : comment intéresser les téléspectateurs à un championnat trop déséquilibré même si cet élitisme est le garant de bonnes performances de 3/4 grands clubs sur la scène européenne ? L'Espagne a répondu, les recettes TV du Barça et du Real vont baisser en 2011...

En conclusion, on peut dire que la situation dénoncée par les commentateurs est à la fois ancienne et à moitié fausse : depuis lors, Brest a perdu sa place de leader, Lille a pris le pouvoir et parmi les 6 premiers, seul Montpellier fait office de "petit".  Les vrais sujets : moins de revenus pour les clubs français issus des "matchdays" et des droits dérivés, une culture tactique qui privilégie les joueurs physiques et le contre. Tout cela serait trop compliqué pour le Canal Football Club. Heureusement, l'autre sujet favori du CFC : "pourquoi les arbitres français sont nuls" est lui inépuisable.

Footballistico

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