mardi 20 novembre 2012

Bordeaux / OM : Gillot change de système et prend la roue de l'OL

Les lecteurs fidèles de Footballistico savent que ce blog voue un culte discret mais réel à Francis Gillot. Le technicien bordelais a obtenu des bons résultats partout où il est passé (Lens, Sochaux et maintenant Bordeaux), il n'hésite pas à innover et à bricoler tactiquement.

Hier, dans un match poussif face à l'OM, Francis Gillot a offert une intéressante démonstration : comment un changement de système peut bouleverser le cours d'un match sans aucun remplacement.

Démonstration :

  • les girondins se présentaient en 4-4-2 losange. Ce système, que Gillot privilégiait à Sochaux (avec Marvin Martin à la tête du losange), n'avait été employé qu'une seule fois cette saison. Obraniak était cette fois dans le rôle du meneur derrière les 2 pointes, Jussiê et Gouffran.
  • l'OM innovait lui aussi. Baup affichait un 4-4-1-1, qui était une variante du 4-2-3-1 traditionnel avec les 2 ailiers (Morel / Amalfitano) un peu plus reculés que d'habitude. L'idée était de contrer les latéraux bordelais, perçus comme les joueurs les plus dangereux. En outre, l'OM, privé d'atouts offensifs était obligé de composer avec un Morel / Mendes inédit.
Il est difficile de comprendre a posteriori le plan de jeu de Gillot (la raison invoquée, mener un pressing haut n'a pas été démontrée pendant le match) : un joueur comme Obraniak, adroit mais plutôt lent, était plutôt voué à s'enferrer dans le duo Cheyrou / Kaboré et sa qualité de centre était inutile au vu de son positionnement. En outre, Saivet et Plasil, positionnés en milieu latéral du losange, avaient du mal à porter le danger sur les ailes. Tremoulinas parvenait, avec le support de Plasil, à adresser quelques centres mais Mariano demeurait très prudent. En fait, malgré une opposition assez faible, Bordeaux parvenait à être plus faible qu'un faible OM. Valbuena parvenait à porter la danger, en se déportant sur les ailes comme à son habitude (centre vers Ayew pour la meilleure occasion marseillaise) et à gauche Morel adressait quelques centres. Comme Sané suivait le lutin marseillais dans ses déplacements, il devenait de fait indisponible pour la relance. Ajoutée à l'incapacité d'Obraniak à prendre le jeu à son compte, les girondins se contentaient d'adresser de longs ballons à leurs 2 attaquants qui ne parvenaient pas à prendre le dessus sur la solide charnière marseillaise. Quant à Plasil et Saivet, ils traversaient la mi-temps comme des fantômes. Fin de la purge.

Au retour des vestiaires, changement de dispositif : Plasil descendait d'un cran, en vrai "regista" et Jussiê glissait plus à droite. Aussitôt, le jeu bordelais s'éclairait et la lumière vint presque aussitôt : Plasil transmettait le ballon sur la gauche à Trémoulinas, qui débordait en centrait à ras de terre sur Gouffran. But.

La suite ne fut pas brillante mais l'OM n'avait pas les moyens de remonter un but à des girondins désormais bien équilibrés dans leur football : les latéraux bloquaient les couloirs, le duo Sané / Plasil orientait le jeu et Planus bloquait les tentatives sur Ayew. Le summum fut atteint lors de la sortie de Valbuena remplacé par le sympathique Fabrice Apruzesse. Dès lors, l'OM abandonnait définitivement toute ambition offensive (1 seul tir en seconde période alors même que les olympiens furent menés pendant 40 minutes).

C'est d'ailleurs la seconde leçon de cette soirée : l'OM était hier privée de 4 joueurs (Barton, J. Ayew, Rémy, Gignac) et déjà Elie Baup faisait appel à un amateur et à un jeune débutant comme remplaçants. Demain, José Anigo remet le maillot ? Il y a un mois, l'OM faisait peur. Aujourd'hui, elle ferait presque pitié.

Quant aux girondins, même sans star (et sans recrue), ils peuvent compter sur leur coach pour leur tirer des mauvais pas.

Footballistico

mardi 13 novembre 2012

Comment le foot évolue : le N°9 passeur décisif

Avant, c'était simple : le rôle du N°9 était simplement de marquer. Bien entendu, l'avant-centre pouvait se décliner de différentes façons :
  • rapide et percutant (à la Torres) permettant à l'équipe de trouver l'attaquant lors de contres,
  • grand et puissant (Drogba) qui servent de point d'appui et de cible lors de centres aériens,
  • devenu plus rare, le renard, toujours à la limite du hors-jeu, un sens du placement inné, un peu truqueur, il permet d'exploiter au mieux les ballons, souvent mal donnés par ses co-équipiers et de transformer des miettes en or.

Il serait bien entendu réducteur de transformer les avant-centres en joueurs passifs attendant simplement les ballons : ils constituent souvent le premier élément du pressing (comme l'a démontré Torres en ligue des champions, la semaine dernière) et un point d'appui pour les relances longues. Néanmoins, offensivement, leur point commun est de participer de façon parcimonieuse à la construction mais de constituer une menace permanente dans la surface adverse.

Cela dit, cette menace perpétuelle rend le jeu trop prévisible (ce qui ne veut pas forcément dire toujours facile à contrer). En retirant un joueur de la construction, on diminue la capacité de l'équipe à proposer des solutions alternatives.

Bien entendu, cette idée de faire reculer un attaquant n'est pas totalement nouvelle, la notion de 9 1/2 et du 4 - 4 - 1 - 1 pré-existait mais souvent en appui d'un "vrai" avant-centre. Avec la généralisation des dispositifs en 4-2-3-1 / 4-3-3, l'unique attaquant de pointe devient ainsi partie intégrante du jeu, alors qu'il était jusqu'à présent un peu en marge, un caractère à part.

Face à ce constat, les équipes joueuses ont donc commencé à réagir :
  • Messi. L'idée sans doute la plus géniale de Pep Guardiola a été de positionner Messi en avant-centre capable de décrocher. Messi posséde la capacité de rentrer balle au pied depui les 30-35 mètres mais surtout de donner des passes décisives à ses partenaires qui plongent derrière la défense (Villa l'a fait 2 fois lors de la fameuse "manita" au Camp Nou).
  • Van Persie. Il était normal qu'Arsenal émule le Barça. Robin Van Persie participait souvent au jeu d'Arsenal en se positionnant en N°10. La difficulté pour Arsenal était de fournir des joueurs offensifs de la trempe de Villa aux cotés du hollandais.
En termes de statistiques, les profils de ces 2 types de joueurs sont très typés :

  • les attaquant classiques (Torres, Gomez, Falcao, Higuain, Giroud, Gignac) effectuent au maximum une vingtaine de passes par match, avec un taux de réussite plutôt faible (moins de 80%), tirent beaucoup (environ 3 tirs par match). Surtout, les passes décisives sont souvent un hasard. Falcao a marqué 10 buts mais effectué une seule passe décisive, Torres 0 (pour 7 buts).
  • les attaquants créateurs (Jovetic, Benzema, Ibrahimovic et donc Van Persie) font plus de passes (souvent 30, jusqu'à 40 pour Zlatan), possèdent un taux de passes réussies plus important (souvent 85% et plus, ce qui témoigne d'un positionnement plus décroché et aussi d'une technique très sure) mais surtout ont un taux de passes décisives très important par rapport au nombre de buts marqués.
Ce dernier point suscite d'ailleurs parfois des incompréhensions : pour le grand public, un attaquant, ça doit marquer. Passe encore s'il marque beaucoup ET qu'il réalise des passes décisives mais dans le cas contraire...

Le seul critère qui vaille est : ce type de système est-il efficace ? En effet, la perte périodique d'un point d'appui peut être troublant pour les latéraux et les autres attaquants censés alimenter leur avant-centre. Vers qui centrer ? Inversement, un 9 décroché offre souvent des problématiques insolubles à la défense adverse :
  • pour la défense centrale : suivre l'attaquant ou le laisser libre et dégarnir ainsi la surface de réparation ?
  • pour le milieu de terrain défensif : prendre le relai de la défense ou s'occuper en priorité des milieux offensifs adverses ?
En fait, l'efficacité de ce type de dispositif dépend de plusieurs paramètres :
  •  un 9 décroché doit compter sur l'un de ses coéquipiers capable de plonger dans l'espace libéré (souvent en diagonale). C'est naturel en 3-5-2 (Jovetic) ou 4-4-1-1 (Rooney) mais lorsque l'attaquant est isolé, il doit pouvoir compter sur l'un de ses partenaires à l'aile pour finir le job (Villa avec Messi et Ronaldo avec Benzema). 
  • le nouvel avant-centre doit pouvoir profiter du décrochage pour frapper de loin. C'est le cas d'un Ibrahimovic. Lorsque Zlatan frappe en dehors de la surface, il ne s'agit pas seulement de situations de contre : il est souvent dans le cas (comme face à Nancy) où il dispose d'une marge de manœuvre car ses défenseurs ne l'ont pas suivi.
  • enfin, l'équipe doit pouvoir disposer d'un plan B. Les décrochages incessants, c'est  bien mais si votre adversaire "parque le bus" derrière et dispose ainsi d'une densité forte de joueurs dans ses 20 mètres, ça ne va pas amener grand chose. A ce moment, le fait d'étirer la défense en écartant le jeu, la présence sur coup de pied arrêté ou une capacité à combiner dans un mouchoir de poche redeviennent la tactique privilégiée. Encore une fois, Zlatan offre un plan B précieux sur coup de pied arrêté.


Conclusion : le pari de Footballistico : quelques managers vont sans doute mobiliser de plus de joueurs atypiques en N°9 : Hazard, Valbuena, Callejon sont des candidats naturels et on peut s'attendre à ce qu'émerge dans les années qui viennent d'autres candidats à ce poste hybride : le "9/10".

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