samedi 15 novembre 2014

PSG - OM : les leçons du classique

Le PSG a gagné mais l'OM lui a tenu la dragée haute pendant 78 minutes, jusqu'à l'expulsion (injuste) d'Imbula. Plutôt que d'effectuer une analyse classique, voici 4 leçons à tirer de ce classique qui a tenu ses promesses, entre nouveau riche et tacticien génial.

1ère leçon : pressing haut. C'est sans doute une évidence pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup. Tous les grands tacticiens (Guardiola, Mourinho, Villas Boas, Ancelotti et donc Bielsa) ont mis en place, dans des version différentes un dispositif qui permet, a minima de gêner la relance adverse par un premier rideau très agressif, a maxima de faire remonter tout le bloc. La version de l'OM implique une mobilisation des 3 attaquants du 4-2-3-1 (Gignac, notamment, fut énorme), de Payet et alternativement d'un des 2 milieux reculés, Imbula ou Lemina). On vit ainsi le PSG se débattre dans ses relances et Thiago Silva, pas dans son assiette, se fit prendre plusieurs fois à ce jeu, dans son propre camp. Paris ne fut pas en reste et tenta mais de façon notablement moins systématique de récupérer le ballon dans le camp marseillais. Ce pressing possède des conséquences assez importantes sur le déroulement d'un match de foot :
  1. L'immense majorité des fautes sont commises dans le camp adverse puisque c'est là que se déroulent la plupart des duels.
  2. Le prix à payer d'un tel pressing, dans sa version Bielsa, est cependant clair : l'OM marque l'essentiel de ses buts dans les premiers 1/4 d'heure de chaque mi-temps. En revanche, les marseillais encaissent presque 60% de leurs buts après l'heure de jeu (soit 33% du temps). En outre, le travail intense face à un adversaire de haut niveau peut expliquer le relatif manque de lucidité des attaquants olympiens dans le dernier geste (seulement 2 tirs cadrés). Ça n'a d'ailleurs pas loupé dimanche soir (82ème). 
Les fautes commises (rouges) et subies (vertes)  par le PSG.
19 sur 27 dans la moitié de terrain adverse (source squawka)

2ème leçon : Face à des organisations de plus en plus rigoureuses et des joueurs défensivement de plus en plus armés, ceux qui ont la clé sont les joueurs qui sortent de leur rôle. Exemple typique : une fois entré sur le terrain, Ibrahimovic a posé un problème insurmontable à Bielsa. Pourtant, la recette du suédois est toujours la même : décrocher pour offrir une solution de relance supplémentaire à ses partenaires et orienter le jeu vers les latéraux ou les ailiers qui prennent la profondeur. Il est étonnant de constater, match après match, que cette ritournelle semble insoluble pour les coachs adverses. Sur le second but parisien, Ibra allonge sur Aurier, qui centre magnifiquement vers Cavani, au premier poteau. Autre exemple, Thiago Silva sur le premier but, le central parisien s'avance profitant d'un lâchage de grappe de Gignac et effectue une longue passe vers Lavezzi, à l'origine de la passe décisive vers Lucas.

Les passes d'Ibra : 11/13 réussies. La balade. (source FourFourTwo)
3ème leçon : PSG, équipe de possession ou pas ? L'équipe de Laurent Blanc a probablement produit ses 2 meilleurs matches cette saison lorsqu'elle était dominée. En fait, et c'est un phénomène assez nouveau, les grandes équipes sont celles qui parviennent à marquer dans des phases très diverses : contres, coups de pied arrêtés et attaques placées. Le modèle cette saison étant le Real Madrid avec une capacité à trouver les filets quasiment dans n'importe quelle situation et à se transformer en caméléon, en fonction de l'adversaire. Le PSG n'est sans doute pas à ce niveau mais il est capable, et c'est déjà énorme, d'être performant même lorsque son jeu "naturel" est contrarié. Si Paris a eu du mal sans son grand suédois, il s'en est quand même sorti et il pourrait en sortir grandi quaud les grandes échéances approcheront.

4ème leçon : Cavani, joueur paradoxal ou avènement de l'avant-centre latéral ? Il est impossible de donner une note à Cavani sur ce match, L'uruguayen est décisif sur le premier but. Il marque le second mais tout le reste fut brouillon. Il vole une balle de but à Maxwell, écrase ses frappes et n'a pas suffisamment de vista pour trouver un partenaire dans la profondeur. Pourtant, il est là, toujours présent jusqu'à la 90ème pour combattre et se présenter dans la surface. Joueur précieux ou dispensable ? Dans les faits, le paradoxe se poursuit parce qu'il est probable que le retour d'Ibrahimovic, en occupant au moins un défenseur central va lui permettre de plonger sans cesse face à des arrières latéraux qui, moins costauds, ne font pas le poids face à l'uruguayen dans les duels. En fait, après l'irruption de l'ailier central (à la Valbuena) et du latéral central, bienvenue à l'avant-centre latéral, capable de défendre face à son latéral, de plonger, moins à l'aise dans les débordements et les centres mais inégalable dans la prise de profondeur.

Conclusion : le monde du football devient un jeu étrange, à la fois fait de rigueur tactique et défensive et de joueurs qui dépassent leur rôle et leur positionnement. Une aspirine et en route pour la prochaine chronique.

Footballistico

dimanche 9 novembre 2014

Bayern - Roma : Guardiola innove encore

Le Bayern de Munich n'est plus un club de football. C'est devenu un laboratoire tactique pour les expérimentations de Guardiola.

Mercredi, la Roma de Rudi Garcia était venu pour éviter de prendre une déculottée : une défense très bas pour couper les transmissions allemandes avec un milieu à 3 assez physique (Nainggolan, De Rossi, Keita) et l'espoir fou de placer quelques contres.

L'originalité du Bayern, toutefois n'était pas dans le schéma (un 4-3-3, comme à Barcelone, ou plutôt 4-3-2-1, avec Lewandowski seul en pointe et Götze / Ribéry juste derrière et peu excentrés) mais la composition du milieu à 3. De chaque côté de Xavi Alonso (plutôt un meneur reculé qu'un milieu défensif classique), avaient pris place 2 défenseurs latéraux de métier, Alaba et Philip Lahm. C'est d'autant plus intéressant, qu'il s'agit de latéraux tournés vers l'offensive. En 2012, l'association Alaba / Ribéry sur l'aile gauche avait fait mal et permis au Bayern de garnir sa vitrine à trophée.

Le fait de placer des joueurs de côté (ailier / latéraux) au centre du terrain n'est pas à proprement parler une nouveauté. Valbuena avait déjà été positionné au centre du trident offensif de l'OM par Didier Deschamps (l'"ailier central") et Di Maria à gauche du milieu du Real à certaines occasions, souvent avec des effets dévastateurs.

Mais, mercredi, on avait donc 4 latéraux de métier sur la pelouse (Rafinha et Bernat occupant les places traditionnelles). Après sa tendance "milieu de terrain" (jusqu'à 7 dans un 11 de départ au Barça), Guardiola initiait donc hier sa période "latéraux". Il est d'ailleurs amusant de constater que les sites spécialisés y voyaient plutôt un 3-5-2, avec Alaba sur le côté d'une défense à 3.

Quels étaient les objectifs du tacticien catalan avec cette innovation ?

  1. Le plus simple comme l'a souligné l'excellent site anglais licence to roam est d'insuffler de l'énergie dans son milieu à 3. Xavi Alonso assure la possession et l'orientation du jeu, Lahm et Alaba les remontées. 
  2. Un pressing efficace. Les équipes de Guardiola se signalent par un pressing haut, dès la perte du ballon. Lahm et Alaba n'ont pas oublié qu'ils sont des défenseurs et sont sans doute plus efficace dans cet exercice que des milieux traditionnels.
  3. Mais l'objectif est surtout offensif, les "latéraux centraux" peuvent être utilisés à 2 fins : 
    • soit en complément des déplacements de Ribéry et Götze. Dans cette configuration, Alaba  vient occuper l'aile vers Bernat pendant que Ribéry se recentre. C'est exactement ce qui s'est passé sur le premier but.
    • soit en surpeuplant l'aile, face à un adversaire regroupé.
En seconde période, Alaba continua par des montées énergiques à semer la panique dans la défense romaine, notamment sur un centre de Rafinha. Lamh fut légèrement plus conservateur dans son placement peut-être parce que opposé à Nainggolan, le milieu romain le plus dangereux offensivement.

Alaba : à l'aile la vie est belle(source fourfourtwo)
Lahm : possession (source fourfourtwo)
Le second but est plus classique et tient plus à la fluidité traditionnelle à attendre d'une équipe de Guardiola, dans le jeu de passe et dans le positionnement. Ici, Lewandovsky prend l'aile et centre sur Götze, qui marque un but, qui est une réminiscence de la finale de la Coupe du Monde. A noter que les 2 "ailiers" (Ribéry et Götze) ont marqué les 2 buts de la rencontre sur des centres. Cette fluidité devant est bien l'une des clés du succès des bavarois mercredi soir.

Quel bilan tirer de l'expérimentation "latéral central" ? En première analyse, c'est un succès. La Bayern a gagné et dominé. Surtout, le premier but représente typiquement ce que Guardiola avait en tête quand il détermina ce dispositif : sur un ballon gagné par les munichois, Ribéry transmet à Alaba, qui prend l'aile gauche. Lewandovsky effectue une course leurre pour attirer les défenseurs romains pendant que le français repique au centre. Le tacticien catalan a ainsi permis aux bavarois d'éviter la grande terreur de ses équipes, celle d'une possession stérile, avant de se faire cueillir en contre ou sur coup de pied arrêté. Mercredi soir, ce miracle a été permis :
  • par le  rythme dès la récupération du ballon, ce qui a permis aux bavarois de déborder les romains, même si ceux-ci avaient décidé de défendre bas, preuve qu'un ballon rapide peut désorganiser une défense dans n'importe quelle condition.
  • grâce au décalage sur l'aile (notamment d'Alaba) qui crée mécaniquement un surnombre sur l'aile, car les milieux adverses hésitent à se déporter sur l'aile pour défendre (cf. schéma)

Alaba (à gauche) face à De Rossi (à droite).
On note la réticence du milieu romain à défendre sur l'aile (source Squawka)
Conclusion : quel avenir pour cette énième innovation tactique de notre Mac Gyver catalan ? Rappelons que LA grande innovation de l'année dernière les latéraux qui repiquent au centre a fait flop. Passé l'effet de surprise, les adversaires ont en effet réussi à contrer cette disposition tactique. Celle de mercredi paraît plus prometteuse car on sait que les milieux adverses sont très réticents à abandonner la zone centrale. La clé devrait être la capacité du trio Lahm, Alonso, Alaba a maintenir la possession tout en assurant une assise défensive suffisante en cas de contre. Mercredi, la Roma n'était simplement pas au niveau.

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