lundi 17 août 2015

L1 : le grand retour du 4-4-2

Tactiquement, la L1 était devenue ennuyeuse comme un jour sans pain : le 4-2-3-1 régnait en maître depuis plusieurs années (2009 environ). Il y avait bien eu la réapparition du 4-3-3, influencée par les succès du Barça mais globalement, plus de la moitié des équipes de notre championnat favorisait le 4-2-3-1 pour de bonnes et de mauvaises raisons :

  • les bonnes raisons ont trait à la domination de la possession. En retirant un attaquant, vous avez mécaniquement un joueur de plus capable de lutter pour le ballon (à l'instar de 4-3-3) et une alternative supplémentaire pour les passes. En outre, le 4-2-3-1 permet, via le carré constituer par le double pivot et les 2 défenseurs, de dicter le tempo et de constituer une plate-forme d'orientation du jeu.  
  • les mauvaises raisons sont dictées par la volonté de sécuriser la défense en plaçant une sentinelle de plus devant pour la protéger. Dès lors, le jeu offensif devient la responsabilité unique du quatuor de devant et le 4-2-3-1 devient un paravent commode pour éviter toute prise de risque.
Et puis, le football n'évite pas les tares de l'esprit d'imitation : si ce dispositif fonctionne pour d'autres, alors, il doit bien marcher pour mon équipe. Pour rappel, le 4-2-3-1 allait vivre ses heures de gloire en 2010 avec la victoire de l'Inter de Mourinho en Ligue des Champions et la finale de la coupe du monde en Afrique du Sud (Espagne / Pays-Bas). 

Bref, pendant la saison 2011-2012, pas moins de 13 équipes de L1 faisaient du 4-2-3-1 leur dispositif de référence (dont le champion, le Montpellier de Giroud et Belhanda), 4 opéraient en 4-3-3. Seul Lorient et Bordeaux conservaient un 4-4-2 à plat tandis que le PSG d'Ancelotti jouait dans son sapin de Noël (4-3-2-1). Il faut noter qu'à l'exception du PSG, toutes les grosses écuries du championnat (l'OL, Marseille, Saint-Etienne) privilégiaient le 4-2-3-1. Notons toutefois que ce dispositif ne constituait pas une condition de succès : les 3 relégués de cette saison jouaient en 4-2-3-1. Incidemment, seulement 11 équipes de cette période ont conservé leur place dans l'élite (en seulement 4 saisons).  

Pendant les années suivantes, le 4-2-3-1 allait conserver sa prééminence. Pourtant, quelques pionniers dans des équipes "moyennes" allaient remettre en cause cette doxa avec des dispositifs alternatifs. Outre le 4-3-3 qui gagnait quelques adeptes (PSG), citons le Toulouse d'Alain Casanova et son fameux 3-5-2, le 4-4-2 à plat de Jocelyn Gourvennec à Guingamp (une spécialité bretonne décidément) et, surtout, l'OL d'Hubert Fournier. 

Le néo-coach des gones décida en effet, au cours de la saison dernière, d'afficher un 4-4-2 losange avec ses jeunes pousses. Ce fut d'autant plus surprenant que lors de sa saison précédente à Reims, jamais il n'avait expérimenté un tel dispositif. Si le 4-4-2 losange n'avait jamais complètement disparu en France (Francis Gillot l'avait expérimenté à Sochaux avec Marvin Martin et René Girard au LOSC), aucune équipe n'en faisait son dispositif de référence depuis l'OL des années Juninho. 

On peut dire que le coup de génie d'Alain Fournier donna le blanc-seing d'une grosse écurie à une (r)évolution tactique majeure dans notre championnat.

En 2015-2016, on assiste en effet à un début de bouleversement. D'une part, le 4-2-3-1 est en nette baisse (seulement 8 ou 9 équipes l'ont utilisé lors des 2 premières journées). D'une part, les dispositifs "alternatifs" (4-4-2, défense à 3, 4-3-2-1) ont acquis de nouveaux adeptes (Nice, Nantes, Rennes, Toulouse) et d'autre part, les anciens, ont conservé leur tradition (Lorient, Guingamp, OL) à tel point que l'on voit dans notre championnat des choses devenues rares : des affrontements entre 2 4-4-2. 

Quelles sont les raisons de cette évolution et de cette floraison de dispositifs et surtout quelles sont ses chances de perdurer ? 
  • Le football, au-delà des modes est toujours un théâtre d'action - réaction. Le dispositif tactique est simplement l'un des outils à la disposition des coachs pour tenter de l'emporter sur la partie adverse. Or, lorsqu'un dispositif se généralise, cet outil devient impuissant et les clubs en sont réduits à compter sur le talent individuel des joueurs (la négation du rôle d'entraîneur qui est de dépasser celui-ci) ou les combinaisons.
  • Du fait du manque de moyens dans un football libéralisé par l'arrêt Bosman, le 4-2-3-1 était devenu une négation du jeu offensif dans lequel les clubs un peu plus ambitieux ne pouvaient plus prendre l'ascendant à cause du manque de personnel offensif dans une rencontre. On pouvait ainsi voir un Brest annihiler un OL. Une situation qui ne pouvait pas perdurer.
  • En outre, certains coachs ont soudain pris conscience que leur effectif à disposition (2 bons attaquants ou peu de joueurs de débordement) n'était pas optimisé dans un 4-2-3-1.
Dès lors, le 4-4-2, dans sa version losange ou à plat, redevient une alternative intéressante. 

Quelle pérennité pour cette évolution ? Dans les championnats plus avancés tactiquement que le nôtre (comprendre : le calcio), le 4-2-3-1 n'a pas disparu. Simplement, il constitue l'une des alternatives que les coachs ont à disposition et qu'ils utilisent si leur penchant tactique ou leur effectif s'y prête. 

Il est probable que la France suive la même évolution... voire même que les tacticiens les plus aventureux changent de dispositifs en fonction des adversaires ou de certains paramètres (domicile / extérieur). Les affrontements devraient obéir à une intensité tactique plus forte et potentiellement à des déséquilibres plus importants. 

On devrait donc assister à un football plus varié et plus riche offensivement, en attendant qu'un tacticien génial, quelque part entre le Botswana et la Thaïlande remette au goût du jour le W-M ou le catenaccio. 

Footballistico

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