dimanche 29 mars 2015

Clasico 2015 : l'évolution du Barça porte ses fruits

Le Real a perdu mais le Real aurait pu gagner. Le Barça a marqué dans un style à l'antithèse du toque et du style de Guardiola. Luis Enrique a donc posé sa patte sur le jeu du Barça. Cela semble être le résultat de la tendance des grandes équipes actuelles : savoir varier le jeu et pouvoir marquer sur n'importe quelle configuration (coup de pied arrêté, contre, jeu construit). Ironie, c'est sans doute Ancelotti qui, entre la saison 2013-14 et le premier trimestre 2014-2015 a poussé cette logique au paroxysme en capitalisant sur la capacité de contre et la force sur CPA léguées par Mourinho en y ajoutant cette capacité à construire et à défier les meilleures équipes en termes de possession ou plus simplement de prendre le jeu à son compte face à des écuries modestes venues pour défendre.

Le Barça est un cas d'école : basée sur une possession écrasante et sur un pressing intense, la belle mécanique montée par  Guardiola s'est effilochée au fil des années car elle est épuisante physiquement et au bout de quelques titres la rage de vaincre s'est émoussée. Feu Tito Vilanova a tenté de mettre en place un Barça "light" : possession mais sans pressing. Avec des résultats mitigés. C'est sous son coaching que le Barça explose littéralement (7-0 sur l'ensemble des 2 matchs) face au Bayern Munich mais face aux équipes plus faibles, son Barça était une redoutable machine (100 points pour le titre de Liga 2013)

Luis Enrique a changé la donne sur au moins 3 points :
  • les attaquants sont les nouvelles stars. Pep Guardiola vouait un culte aux milieux de terrain jusqu'en aligner 6 ou 7 dans son équipe. Luis Enrique est beaucoup moins fan. Pour lui, chacun à sa place. Face au Real, même Mascherano est redevenu un milieu de terrain. Et la charnière centrale était occupée par 2 vrais spécialistes du poste. 
  • Sans être aussi exigeant que Guardiola, Luis Enrique demande à ses joueurs un travail défensif intense. Pas de pressing groupé autour du joueur adverse mais une contribution demandée aux 3 attaquants. 
  • Culte de l'individuel : si Guardiola prônait un jeu de passe presque infini, afin de déstabiliser les défenses, laissant au seul Messi la percussion, Luis Enrique a confié les clés aux individualités. Outre, l'argentin, Neymar est encouragé à partir de loin en dribbles chaloupés, quand Suarez hérite de longs ballons, en partant à la limite du hors jeu. 
Lorsque l'on regarde la configuration du dernier clasico et qu'on le compare à son petit frère joué il y a 2 ans, les différences sautent aux yeux. Ici, le Real avait gagné mais l'essentiel n'est pas là. Ce jour là, le Barça, entraîné par Tito Vilanova avait réussi 649 passes et tenu le ballon 72% du temps face au Real de Mourinho (contre respectivement, 436 et 53% dimanche dernier)

Les schémas ci-dessous (source l'excellent site fourfoutwo) montrent les différences d'approche du Barça sur 3 points : 

1 - Les attaquants barcelonais ont le permis de dribbler et ils ne s'en privent pas :

Mars 2013 : 16 dribbles. Only Messi.

Mars 2015 : tout le monde dribble (et surtout Neymar)

Bien sûr, ce jeu implique plus de risque (la perte de balle) et engendre mécaniquement moins de possession mais il oblige aussi les défenseurs adverses à commettre plus de fautes (d'où les cartons) et créent des brèches dans les lignes arrières. 

2 - Le pressing est plus intense. En 2013, Vilanova avait cédé au vestiaire en relâchant la pression à la perte de balle. Le Barça se contentait à l'époque de faire des fautes "intelligentes" pour briser les contres à la racine, c'est à dire dans la moitié de terrain du Real. En 2015, changement de décor, tous les joueurs sont supposés contribuer à l'effort défensif. Même si le pressing est moins intense qu'à l'ére Guardiola (où plusieurs blaugranas entouraient le joueur adverse pour couper toute possibilité de passe), la ligne du Barça demeure haute afin de transmettre rapidement, idéalement à Suarez, qui plonge, avant que le bloc adverse ait eu le temps de se reformer. 


2013 : 4 tacles dans la moitié de terrain adverse, aucune interception

Ajouter une légende : 14 tacles, 1 interceptions

3 - des passes plus en profondeur et qui visent à créer le danger directement. Alors que le Barça, version Guardiola tissait sa toile, celui d'Enrique est plus direct et n'hésite pas à effectuer des passes depuis sa moitié de terrain, ce qui était presque un anathème, circa 2012. 


La passe à 10 de 2013
(119 passes dans les 30 mètres madrilènes sur 722 tentées)


2015. Plus perforant
On peut donc conclure que si le Barça a sans doute perdu un peu de sa spécificité, il a sans doute gagné en efficacité. Des matches comme ceux de Dimanche soir où l'équipe catalane est dominée pendant la moitié du match mais l'emporte avec une tête sur coup de pied arrêté et un long ballon sur Suarez devrait être plus courants dans les années qui viennent. Tout le problème de Luis Enrique sera de marier les qualités de l'ancien Barça (une capacité à dominer et à priver l'adversaire de ballon, afin de conserver le résultat) et celui des équipes modernes de percussion pour pouvoir exploiter toutes les situations de but.

En 2013, le Barça de Vilanova avait remporté la Liga avec 100 points mais en devenant trop prévisible avait engendré la déroute de l'Allianz Arena (qu'Ancelotti a réitéré cette année face au même Bayern de Pep Guardiola). Cette défaite, qui précédait la déroute espagnole au mondial brésilien, annonçait la fin du toque 1.0. Luis Enrique tente de le réinventer en le variant. Ce n'est pas là son moindre mérite.

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