lundi 19 mai 2014

Atletico Madrid : de loser à vainqueur

L'Atletico Madrid a donc remporté la liga 2014. C'est sans doute ce qui pouvait arriver de mieux à ce championnat qui risquait de devenir un duopole Barça / Real. Les colchoneros sont en effet le premier club à l'emporter depuis la saison 2003-2004 en dehors des 2 grands d'Espagne.

Le match d'hier était la 6ème rencontre entre les 2 équipes cette saison. Elle marqua une opposition de style très intéressante tactiquement, avec un Barça en 4-3-3, jouant son football de possession et un Atletico en 4-4-2, qui a sans doute poussé à la perfection le dispositif défensif "réactif", qui permet de se projeter très rapidement en position de contre.

Si l'Atletico affichait son 11 de référence, le Barça avait sacrifié Neymar, Xavi et Alba. Si l'absence du brésilien peut s'expliquer à cause de pépins physiques, les 2 autres étaient causées par des choix tactiques. Lors du match de ligue des champions, Alba avait été martyrisé par Raul Garcia via des longs ballons aériens. Quant à Xavi, Tata Martino privilégiait Fabregas, au profil plus offensif.

Première mi-temps :
Le match commençait sur un gros pressing de l'Atletico. Diego Simeone avait déjà tenté ce type de pari lors de la Ligue des Champions, avec un résultat encore meilleur : ce Barça n'aime pas être molesté dans son jeu de passes. Le pressing de l'Atletico, comme toutes les phases défensives de cette équipe sont soigneusement étudiées et ne laissent absolument rien au hasard. Le principe est de presser le porteur de balle et de couper les angles de passes. En général, l'1 des 2 attaquants s'occupe de Piqué ou Mascherano. L'autre coupe la trajectoire vers un latéral, un des 2 ailiers monte sur l'autre et la jonction vers Busquets est coupé par Gabi ou Tiago. Mais le plus intéressant n'est sans doute pas le pressing lui-même mais la qualité d'exploitation de la balle dès récupération. De façon simplifiée, l'Atletico s'appuie sur Diego Costa en lui passant le ballon via une relance basses via les côtés, profitant des courses rapides de celui-ci vers les côtés, soit une long ballon aérien. Dans les 2 cas, les ailiers  (Turan / Koke), se ruent vers le brésilien pour lui offrir des solutions. Dans ce dernier cas, Koké et Turan se recentrent. Cette façon de procéder a causé quelques sueurs froides aux catalns dans le premier quart d'heure de jeu : Adriano dégagenat en catastrophe et Piqué descendant Koké.

Défensivement, l'Atletico présentait 2 lignes de 4. Celle du milieu beaucoup plus resserrée que la ligne d'arrière et coulissant pour suivre la circulation de la balle.  Leur  tactique défensive consiste à présenter un bloc compact au milieu et à déporter le jeu sur les ailes.

C'est ce que firent bien volontiers les catalans avec 2 volontés différentes :
  •  Sur l'aile droite Fabregas tentait de combiner avec Dani Alvés et Alexis Sanchez dans un triangle
  • sur l'aile gauche, Pedro et Adriano offraient un jeu beaucoup plus direct, fait de tentatives de débordements. A l'image des latéraux du Bayern, le brésilien tenta de se recentrer : il fut d'ailleurs à l'origine de la première frappe du Barça, en repiquant.

Le mode de fonctionnement du match se mettait ainsi en place lorsque se produisit le premier fait de jeu, la blessure de Diego Costa. Cette blessure désorganisa les options offensives de l'Atletico car Adrian Lopez, entré en lieu et place de l'hispano-brésilien, possède des qualités intrinsèques bien différentes. Le Barça prit alors franchement le contrôle du match (63% de possession après la sortie de Diego Costa contre 52% dans le premier ¼ d'heure).

La sortie d'Arda Turan fut le second coup dur de la partie pour les colchoneros, car l'activité défensive du turc est un réel point fort du dispositif de Simeone. Ce fut néanmoins de l'autre côté qu'intervint le but du Barça. Il est difficile de donner une dimension tactique à ce but. Certes, il provint du côté où le Barça combinait mais, il semble impossible de prétendre que la passe de la poitrine de Messi est volontaire. En outre, la frappe en force d'Alexis Sanchez, très excentré, ressemble peu au Barça, version Guardiola. Néanmoins, les blaugranas menaient au score face à un Atletico qui semblait impuissant offensivement.

Seconde mi-temps :

Il sera sans doute perdu pour la postérité ce que Simeone raconta à ses troupes pendant la pause et c'est le principal regret sur ce match. Car au retour des vestiaires, on ne donnait pas cher de la peau des colchoneros menés dans l'antre du Camp Nou et ayant perdu 2 de leurs meilleurs joueurs. Or, que vit-on ? Pendant les 4 premières minutes, le Barça fut ballotté et ne put franchir la ligne médiane une seule fois. Pendant cette période, l'Atletico se créa 3 occasions très nettes (poteau de Villa, sortie de Pinto et le but de Godin).

Les madrilènes procédèrent par un pressing intense et par une transmission rapide de la balle. Ce qui fut intéressant fut leur capacité à se projeter sur des passes extérieur vers l'intérieur,  notamment par Luis Filipe, encore une fois irréprochable, et Koke. 

Les 10 premières minutes de la seconde période, vues côté Barça : dégagements (ronds),
tacles (croix) et passes depuis sa moitié de terrain. Tranchée (source : Fourfourtwo)
Après le but de Godin (le 18ème sur coup de pied arrêté, deuxième performance des équipes de Liga), l'Atletico put reprendre une défense plus basse et moins énergivore. La petite histoire retiendra que le Barça aura été totalement dépassé par les événements à 2 reprises, cette saison, 10 minutes en début de seconde mi-temps sur ce match et 20 minutes au retour du quart de finale de la LDC à Vicente Calderon. A chaque fois, les catalans auront encaissé un but et, au moins, un poteau.

Au fil des minutes, le Barça exerça une pression réelle en s'approchant de plus en plus près de la cage de Courtois. Cependant, les occasions réelles furent rares : le centre du terrain était tenu par les madrilènes et les centres de Pedro et Adriano ne trouvaient que des têtes rouges et blanches. En outre, les changements opérés par Martino n'allaient pas se révéler bénéfiques :
  •  Busquets (57ème) dut sortir blessé. Song le remplaça, malheureusement, si le camerounais est sans doute un très bon milieu défensif, il ne possède pas la qualité d'orientation du catalan. Aussitôt, les relances du Barça perdirent leur fluidité.
  •  Pedro par Neymar. Il est difficile d'imaginer les consignes données par Tata Martino au brésilien mais celui-ci s'enferra au centre du milieu de terrain madrilène sans réussir à se créer d'occasions.
Si le Barça poussa réellement pendant environ 20 minutes, les occasions furent rares. La plupart furent contrées par un Atletico, qui refit peu à peu surface, en profitant de l'entrée de Sosa, qui leur permit de tenir un peu le ballon. La fin de la rencontre fut longue mais sans danger pour l'Atletico, qui gérait sans trop de problème les offensives des catalans. Seule une frappe de Dani Alvès fit trembler les gants de Courtois. Trop tard.

Conclusion : pour le Barça, c'est clairement la fin d'une époque. Un grand nombre de joueurs emblématiques de l'ère Guardiola vont quitter le club (Valdés, Mascherano, Alexis Sanchez, Dani Alvès, …) et un nouvel entraîneur sera appelé aux commandes. L'équipe apparaît définitivement à bout de souffle. Même Messi est apparu impuissant. Toutefois, l'exploit de l'Atletico demeure énorme, réussir à dominer le Barça et le Real dans une saison complète avec un effectif de 14/15 titulaires composé de joueurs de clubs assez moyens à 2 ou 3 exceptions est énorme. Simeone a conçu la meilleure défense depuis des années sans proposer un jeu ennuyeux, grâce à une discipline tactique et une solidarité de tous les instants. L'entraîneur de l'année. Et de loin.

dimanche 4 mai 2014

Bayern - Real : à la recherche du tiki-taka 2.0

La victoire, un peu humiliante, du Real dans l'antre de l'Allianz Arena possède un peu une atmosphère de fin de règne, un peu comme la défaite sur cette même pelouse munichoise du Barça l'année dernière. Sauf, que si pour l'équipe catalane, il s'agissait d'un problème d'effectif (des joueurs sans doute à court de motivation ou en fin de carrière), certains annoncent déjà la fin du tiki-taka comme philosophie de jeu. Un changement majeur, digne de la fin de la dernière glaciation. Qu'en est-il vraiment et pourquoi Guardiola a-t-il échoué ?

Il faut tout d'abord dire que depuis que son impressionnante cavalcade en tête de la Bundesliga s'est mathématiquement achevée par un titre dès mars, le Bayern a piqué du nez : 2 défaites en championnat, 1 qualification pénible face à un faible Manchester et la défaite à l'aller à Madrid. Le titre a donc inconsciemment créé une décompression chez les bavarois. Maintenant, la tactique.

  1. Possession et percussion. La grande qualité du Bayern, version Jupp Heinckes 2012-13, était sa qualité de percussion. Les allemands étaient les plus forts sur les côtés, en 1 contre 1 ou, plus souvent en 2 contre 2. Les mêmes joueurs sont restés (Ribéry / Alaba, Robben / Lahm) mais tout a changé. Ici, le coupable est l'innovation tactique "majeure" de Guardiola cette saison, le remplacement "central" des latéraux. Cette saison, dès les 35 mètres en vue, Alaba et Lahm/Rafinha obliquent vers le centre du terrain. Objectif : échapper au marquage de l'ailier et accentuer la pression. Si cette disposition tactique a pu déconcerter au début, les coachs adverses se sont vite adapté. Soit en demandant effectivement à leurs ailiers de suivre, soit, beaucoup plus simplement, en s'affichant en 4-3-3. Face à ce dispositif, c'est le milieu latéral adverse (Modric, Di Maria), qui fait face. Et ce simple dispositif, peu fréquent en Allemagne (où le 4-2-3-1 règne en maître) a suffi à annihiler les efforts d'Alaba. Face à Ribéry, il "suffit" alors d'opposer un latéral prudent, ce qui fut le cas mercredi soir (Carvajal plutôt que Marcelo).
David Alaba, face au Real. Noter le recentrage aux 35 mètres et les tirs contrés (en gris). Source Fourfourtwo.


  1. Impuissance offensive. Le terrible bilan des bavarois sur les 2 matches, 1 400 passes mais seulement 8 tirs cadrés et 0 but, ne peut s'expliquer simplement par le seul placement des latéraux. On n'a rarement eu l'impression d'autant assister à une passe à 10 que devant ces 2 rencontres. C'est d'autant plus ennuyeux que le Real a de fait défendu à 7 au matche retour. Or, ni Modric, ni Di Maria, ni Xavi Alonso ne sont des milieux "défensifs" au sens Makélélesque du terme : Xavi Alonso a raté ses 5 tacles, Di Maria en a réussie 5 sur 7. Non simplement, grâce à leur intelligence de placement, avec un positionnement assez bas, les madrilènes ont tranquillement grippé la machine offensive bavaroise. La première action réellement dangereuse se situe quelque part à la 80ème minute, après l'entrée de Götze. Mandzukic, dominé dans les airs par Ramos et Pépé (1 seul duel emporté sur 5 tentés par le croate), Ribéry et Robben, trop isolés sur leur côté, le Bayern a semblé sans idée...tout en se découvrant derrière pour laisser BBC placer des contres.
  2. Mauvaise limonade sur les coups de pied arrêtés. Même si Sergio Ramos est traditionnellement un bon joueur de tête, le fait de lâcher totalement le marquage semble totalement aberrant à ce niveau. Ici, on voit bien comment l'approche jusqu’au-boutiste de Guardiola peut entraîner des problèmes : en multipliant le travail au sol, les toros, le technicien catalan délaisse le travail aérien et la défense sur coup de pied arrêté. 
  3. Les changements tactiques laissent les joueurs désemparés. L'un des principes de Guardiola est (comme Bielsa) d'adapter en permanence son dispositif en fonction des objectifs recherchés et de demander à certains de ses joueurs d'occuper plusieurs postes en fonction des matches ou des changements. Dans les faits ces modifications se sont traduites de la façon suivante :
    • à Bernabeu, Schweinsteiger est positionné derrière Mandzukic. Lahm et Kroos occupent le 2 du 4-2-3-1. 
    • à Munich, Schweinsteiger et Kroos se retrouvent côte à côte, Lahm réintègre son poste de latéral. 
    • dans l'intervalle, face à Brême, les munichois affichent Schweinsteiger et Martinez derrière Götze. Müller est à droite. 
Conséquence : les joueurs semblent avoir eu du mal à trouver leur place et ce qu'on attendait réellement d'eux dans ce système. Schweinsteiger a paru peu à l'aise à Bernabeu dans un rôle de 10, qu'il n'affectionne pas spécialement, alors que Kroos n'a pas semblé apprécier son poste de meneur reculé (4 tacles ratés et 2 fautes sur Cristiano, dont celle qui occasionne le dernier but).

En synthèse, le Bayern (et Guardiola) a besoin d'un tiki-taka 2.0. L'effectif et le dispositif mis en place sont très efficaces dans le cadre de la domination d'une Bundesliga ouverte et médiocre défensivement. Pour gagner face aux tueurs de la ligue des Champions, cela semble trop juste.

Footballistico.

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