

A priori, peu de choses en commun entre l’ogre anglais, gavé de titres et de trophées depuis 4 ans et soutenu par la manne financière inépuisable de Roman Abramovitch et des chaînes de Télé anglaise et notre OL national, qui fête son sixième titre dans un campanile (ou un Mercure, les sources divergent) de la banlieue d’Auxerre.
Pourtant, l’échec de Chelsea, mardi, en Ligue des Champions face à une équipe de chair et de sang (rouge), pourtant jugée plus modeste, a révélé certains traits communs : à la base, les 2 équipes ont choisi un effectif de renom, chacune avec ses moyens (Chelsea possède le 5ème chiffre d’affaires des clubs de foot européen + les largesses d’Abramovitch, Lyon le 11ème), avec des flopées d’internationaux. Une différence de taille toutefois : Chelsea a surtout connu des entraîneurs étrangers et a constitué une espèce d’Internationale du Football où les joueurs anglais sont icôniques mais minoritaires (Lampard, Terry) tandis que Lyon, qui a toujours fait dans le coach franchouillard, préfère les tauliers bien de chez nous (Abidal, Malouda, Coupet) tandis que les stars sont étrangères (Juninho, Fred ou Sonny Anderson). En termes de « sourcing » comme on dit maintenant, chacun son école. Lyon fait dans le brésilien, qu’il importe directement cueilli dans le club de foot local (Cris, Caçapa, Juninho, Fabio Santos, Nilmar, Fred), Chelsea dans l’africain, qu’il préfère faire transiter par une équipe d’acclimatation avant de l’importer dans son stade froid et brumeux (Essien, Drogba, S.Kalou, Geremi).
Les 2 équipes sont ambitieuses : Mourinho comme Aulas prétendent vouloir tout gagner, les joutes nationales et européennes. L’entraîneur portugais a d’ailleurs été recruté dans ce but précis après la victoire impressionnante de Porto en Champions League.
Les 2 équipes raflent des titres nationaux à la pelle : 2 titres de champions et 2 League Cups pour Chelsea en 3 ans, 6 titres de champions pour notre insatiable gone rhodanien.
Les 2 équipes partagent une philosophie de jeu qui, à mon sens est similaire et est fondé sur les principes suivants :
- supériorité physique sur l’adversaire, en termes d’engagement, de vitesse, de résistance. Ce n’est pas pour rien si les Diarra, Essien, Cris d’un côté et Obi Mikel, Lampard, Makélélé (et encore Essien) de l’autre sont les vedettes. Sur les bords de la tamise comme du Rhône, on fait plus dans le puissant que dans le fluet.
- système à 1 seul attaquant privilégié. En dépit de l’affection d’Abramovitch pour Chevchenko, on sent bien que le dispositif préféré de Chelsea, c’est Drogba. Concernant Lyon, Fred n’a pas la même efficacité mais il est souvent aligné seul cette saison
- affection concomitante pour les hommes de couloir, à la Joe Cole + Govou/Malouda qui sont censés créer le décalage et alimenter l’attaquant susnommé par des débordements incessants,
- pressing, remontée en bolc rapide, perte de balle limitée, patience dans les attaques (ça ne marche pas à gauche, on réessaie à droite). Et si ça ne passe toujours pas parce que les autres sont aussi physiques/bien organisés/plus limités mais sacrément motivés, alors on balance des ballons devant vers l'attaquant.
- grosse importance des coups de pieds arrêtés dans le total des buts inscrits, directs pour Lyon avec Juni, plutôt indirects pour Chelsea avec typiquement Ballack + Terry ou Drogba.
Bref, les 2 équipes finissent par étouffer leur adversaire. Plus Boa que Cobra : redoutable.
Les 2 équipes possèdent des entraîneurs qui n’ont jamais été joueurs et qui possèdent en conséquence une approche très intellectuelle et « stratégique » du football.
Enfin, elles possèdent toutes 2 comme emblème un Lion stupide, placé debout (?)
Comment se fait-il alors, bardé de tous ces atouts, que nos 2 monstres rentrent systématiquement bredouilles de leurs campagnes européennes et qu’ils en soient aujourd’hui réduits à s’interroger sur l’avenir de leurs entraîneurs respectifs quand les concurrents (en Angleterre du moins, en France, Lyon est plutôt un exemple de stabilité) reconduisent systématiquement les vieillards cacochymes qui ont construit l’équipe depuis des décennies. 2 raisons simples : l’âme et le talent collectif. Le talent collectif ne s’exprime pas seulement à travers la glorification dudit collectif (c'est-à-dire la capacité à couvrir 20 Km par match) mais la belle capacité à « sentir » ses partenaires, à combiner, à lancer de fausses pistes pendant qu’un co-équipier ondoie gracieusement entre les défenseurs. Depuis 4 ans, Chelsea est tombé à chaque fois sur l’un de ces 2 écueils (2004 – Monaco, 2005/2007 - Liverpool, 2006 - Barcelone) : 2 fois éliminés par l’âme, 2 fois par le talent. Certes Zenden et Riise n’ont pas les moyens physiques de Makélélé ou Obi Mikel mais quand ils sont portés par les chants de 60000 spectateurs, ce sont 120 000 jambes qui ratissent les ballons : 1000 par minute de match ! Quant à Barcelone et Monaco, comment courir après Messi quand on l’attendait ici et qu’il est passé là. Comment arrêter les démarrages de Giuly, alerté par Rothen, dans une équipe monégasque qui proposait pendant une année ce qui s’est sans doute fait de plus racé en France ?
Bref, Chelsea et Lyon doivent acquérir une âme afin d’acquérir des titres européens : en la vendant au diable ?